Vous l'attendiez, elle est là, la première partie de mon troisième Retour vers le Futur ! 12 pages qui ne servent que d'introduction à la suite de l'histoire, c'est pas beau, ça ?
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Retour vers le Futur – 03
Witch Hunters/ Life and what it’s worth/ Chasing Jimmy
Aedenais, 2010.Elamros n’avait jamais cru en une notion abstraite de destin, que sa vie aurait pu être écrite avant sa naissance et que tous les événements qui lui arriveraient tout au long de son existence ne seraient qu’une succession de scènes, une partie d’un scénario écrit par un Dieu qui devait probablement n’avoir pas grand-chose d’autre à faire de son immortalité. Elamros aimait avoir le contrôle sur les événements.
Cependant, alors qu’il rechargeait son arme dans le hall de ce qui avait été l’un des hôtels les plus luxueux d’Aedenais, il ne put s’empêcher de penser que depuis quelques temps, les événements tendaient à fortement échapper à son contrôle. Ce n’était pas tant le fait d’avoir perdu sa fiancée, Raine, deux ans plus tôt, ni même d’avoir échappé à la mort au même moment. Ce n’était pas non plus le fait d’être (re)-tombé amoureux de Medea Blackmoore, amie d’enfance et maintenant Présidente de la Chambre des Nobles de la Ville. Non, c’était plutôt le fait de s’être retrouvé pris en plein milieu d’une Guerre Civile entre la Surface et la Basse-Ville qui gênait le Répurgateur. Il jeta le chargeur vide de l’autre côté du hall, profitant de la distraction ainsi causée pour ressortir de l’hôtel sans que les soldats ne le voie. Il n’était pas sûr de leur allégeance, et donc du fait qu’ils essaieraient – ou non – de l’envoyer six pieds sous terre. Or il voulait, si possible, éviter de trop tenter le diable en plein milieu d’un champ de bataille.
Il erra quelques minutes dans les rues, profitant de sa connaissance – relative – des ruelles pour éviter les endroits qu’il jugeait trop dangereux pour sa personne, avant d’aviser un homme tenant en joue une jeune femme. Il se rapprocha rapidement, il était peut-être une enflure, mais pas au point de laisser une femme se faire abattre devant ses yeux sans réagir. Le trauma de la mort de Raine se manifestait encore, ce qui, d’après lui, ne pouvait être qu’une bonne chose.
En s’approchant, il remarqua que la femme n’était en fait qu’une adolescente qui ne devait pas avoir plus de treize ou quatorze ans. Ce qui rendait l’acte de l’homme encore plus horrible. Elamros sortit son arme et la pointa vers le crâne de l’agresseur :
« Lâche ton arme.
- Elamros ? »
L’homme se retourna, et après quelques moment d’hésitations, Elamros finit par se rendre compte, après un bref coup d’œil sur le bras de son « otage » qu’ils étaient censés appartenir au même camp. Quelques instants plus tard, le visage de l’homme lui revint en mémoire, ils étaient rentrés plus ou moins en même temps chez les Répurgateurs :
« Jake ? Une gamine ? T’es sérieux ? »
Le dénommé Jake haussa les épaules avant de répondre :
« Loup-Garou. J’fais juste mon boulot.
- T’allais violer et tuer une gamine pour ton boulot ? »
Elamros posa son doigt sur la gâchette, d’une certaine manière, ça rendrait son geste plus excusable.
« C’est dommage. J’t’aimais bien. »
Le calibre .50 tressauta dans la main du Répurgateur et Jake s’écroula. Elamros repoussa le corps de son ex-collègue du bout du pied et s’accroupit devant la jeune fille.
« Hey. Comment tu t’appelles ? »
La fillette sanglota quelques minutes avant de finir par se calmer, probablement quelque peu réconfortée par le sourire d’Elamros.
« R… Raine. Monsieur. »
Le sourire du Répurgateur s’élargit en entendant le prénom de la jeune fille. S’il avait eu une quelconque croyance dans le destin, il aurait vu ça comme un signe. Mais pour lui, c’était simplement une magnifique coïncidence. Il se retourna un instant pour retirer le couteau qui pendait à la ceinture du Répurgateur qu’il venait d’abattre et le passa à sa ceinture, à côté des onze autres qu’il avait déjà récupérer sur les cadavres de Répurgateurs qui avaient croisés son chemin. Lorsque la Guerre avait été déclenchée, il avait du faire un choix. Suivre ses convictions et se joindre à la Basse-Ville ou rester du côté de sa compagne et combattre pour la Surface. Après quelques minutes de réflexion, il avait fini par faire le seul choix sensé : traquer et abattre les vingt Répurgateurs envoyés en ville pour régler leur compte au lycans de la Basse-Ville.
Il finit par se relever et aida la jeune fille à en faire de même avant de lui demander de grimper sur son dos. Il s’était attendu à quelques protestations, basé sur ses vagues connaissances sur la psychologie des adolescentes, mais à sa grande surprise elle s’exécuta, et ils se mirent en route.
« J’vais t’amener dans un endroit sûr, Raine. »
S’il ne se trompait pas, la Guilde des Voleurs ferait partir son dernier car de civils d’ici une vingtaine de minutes depuis la Basse-Ville. Il allait avoir juste le temps de faire le voyage.
***
Aedenais, 2010La jeune femme ouvrit péniblement les yeux. La douleur présente dans chaque parcelle de son corps l’empêchait de se concentrer sur autre chose que la lampe qui se balançait lentement au dessus de sa tête. Elle essaya de tendre le bras vers sa gauche, espérant attraper le petit flacon qu’elle avait posé sur sa table de chevet le soir précédent. Les pilules qu’il contenait n’étaient pas exactement des antidouleurs, mais ils devraient faire l’affaire.
Sa première tentative se solda par un échec, son bras refusant de bouger. Le deuxième essai quelques secondes plus tard ne donna aucun résultat, puisque sa main ne trouva, à la place de sa table de chevet, que du vide. Dépitée, la jeune femme finit par se résoudre à essayer de tourner la tête.
Tout ce qu’elle vit fut un rideau blanc – comme, elle le remarqua rapidement, le plafond, comme le mur, comme le sol, blanc – qui séparait la pièce en deux. Après cette découverte, elle prit conscience d’un bruit singulier, un « bip » régulier qui semblait provenir d’une machine posée quelque part à sa droite. Alors qu’elle commençait à être passablement irritée par ce son, elle vit le rideau s’écarter et une brunette passer la tête et lui adresser la parole :
« Ah bah putain ! T'en as mis du temps ! J'commençais à m'ennuyer sec... Oh, bouge pas, j'vais appeler le médecin - tu vas voir, il est canon !
La tête disparut et la jeune femme soupira. « Bouge pas »… elle arrivait à peine à bouger son bras, comment la femme voulait-elle qu’elle se lève ? Cependant, les mots que la brunette avait prononcés par rapport à un médecin avaient fait un certain effet sur son cerveau qui commençait à remettre en place les pièces du puzzle.
La douleur dans son corps, sa table de chevet qui avait disparu, l’étrange couleur de la pièce, le bruit de la machine à côté d’elle… Si elle raisonnait à peu près correctement, elle devait se trouver à l’hôpital. Au moment où elle commençait à se demander ce qu’elle pouvait bien faire dans un lit d’hôpital, la brunette – un nom s’imposa à elle au moment elle passa le rideau, Firenze – réapparut au côté d’un homme en blouse blanche. Il feuilleta un instant ce qu’elle comprit son dossier médical, avant de se tourner vers elle :
« Chorster, Emily ? C’est bien ça ? »
La jeune femme ouvrit la bouche et tenta de répondre, avant de se rendre compte qu’elle ne voulait pas parler. En tout cas, pas à cet homme. Elle hocha la tête du mieux qu’elle put.
Le médecin continua :
« Vous savez pourquoi vous êtes ici ? »
Emily secoua la tête. Peut-être allait-t-elle enfin savoir pourquoi on l’avait envoyée ici ?
« Je vois. » Il griffonna quelque chose sur son carnet « Vous avez fait une overdose. Des médicaments et une drogue qui nous était inconnue. Sans l’aide de votre amie… »
L’homme haussa les épaules et sortit de la chambre en marmonnant quelque chose à propos d’un loup-garou et de sa « putain de fille ». Firenze tira une chaise et s’assit à côté du lit.
« J’ai fait un rêve bizarre quand j’étais dans le… coma ? Fi ?
- Doucement, doucement. Faut l'temps qu'tout s'remette dans l'ordre là-haut, ok ? » elle tapota le front d'Emily, « T'es pas obligée...
- Tout le monde se battait dans la rue devant l’épicerie. Je me souviens pas, je crois que y’avait les loups de ton père et des militaires, ou des policiers peut-être. Jemeak était sorti… et… je l’ai vu… je crois qu’il voulait poser des explosifs pour aider les loups, je sais pas, c’est l’genre de truc qu’il aime faire, tu sais ? Faire sauter des trucs… Et puis, quelqu’un lui a tiré dessus. Alors je suis redescendu dans l’labo et… »
Elle avait pris tous les médicaments qu’elle avait trouvés dans l’armoire à pharmacie qu’elle partageait avec Jemeak, ensuite elle avait attrapée un flacon de drogue. Elle s’était allongée sur son lit et…
Tout se rejoignait.
« C’était pas un rêve, hein ? »
Emily fondit en larmes.
***
Aedenais, 2020And the people, they were dancing to the music vibe, and the boys chase the girls with curls in their hair…Louise attrapa la télécommande de la chaine hi-fi et baissa le volume de la radio en entendant quelqu’un frapper à la porte. Elle espérait que qui que ce soit qui voulait lui parler avait une bonne raison de la déranger à une heure assez tardive, qui plus est quand sa chanson préférée du moment passait à la radio.
Elle ouvrit la porte :
« James, combien de fois j’t’ai dit de m’appeler avant de… ? »
Elle s’interrompit en se rendant compte que ce n’était pas son amant qui se tenait de l’autre côté de la porte, mais une femme d’une trentaine d’années aux cheveux roses – probablement une teinture – et un homme qui approchait de la quarantaine. Mais ce qui marqua le plus la jeune femme fut les costumes qu’ils portaient, ainsi que l’air grave qui se lisait sur leurs visages. La femme prit la parole en premier :
« Louise O’Reilly ?
- Oui ? »
La femme sortit une plaque de sa poche et la montra à Louise. Elle vit un insigne – qu’elle ne connaissait pas – et une carte avec la photo de la femme. Son compagnon fit de même.
« Agent spéciaux Keller et Morgen. Services secrets d’Aedenais.
- Vous êtes la compagne de James Connelly ? »
Louise fronça les sourcils, qu’est-ce que ces deux personnes pouvaient bien lui vouloir ? Elle ne réussit pas à penser à une seule bonne raison pour laquelle les services secrets pourraient bien vouloir lui parler de Jimmy. Il n’était pas vraiment difficile à joindre, et il n’avait – à sa connaissance – rien à se reprocher.
« Je… je suis plus sa petite… » Réalisant que la différence entre compagne et petite amie n’était pas réellement importante à ce moment précis, elle secoua la tête et continua « Oui.
- On devrait continuer à l’intérieur. Madame ?
- Heu… oui, bien sûr. »
Louise s’écarta et laissa les deux agents rentrer avant de refermer la porte. Quelque chose n’allait pas, s’ils étaient venus l’interroger à propos de son amant, ils ne prendraient certainement pas autant de précautions et ne seraient sûrement pas aussi aimables avec elle. Une fois passés dans le salon, elle se retourna vers la femme :
« Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Vous devriez vous asseoir. »
Louise s’exécuta. Son estomac commençait à se nouer ; elle avait vu assez de films pour savoir que lorsque quelqu’un vous demande de vous asseoir pour vous parler de votre petit ami, ça ne présageait rien de bon. Après quelques secondes, les larmes aux yeux, elle posa la question qui lui brûlait les lèvres depuis l’entrée des deux agents dans son appartement :
« Il… il n’est pas mort.. ? Si ? »
L’homme détourna le regard vers sa partenaire, les yeux de Louise s’agitaient, passant frénétiquement d’un visage à l’autre, cherchant une réponse à sa question. L’agent Keller rompit le silence la première :
« On n’en est pas sûrs.
- Comment ça ? Pas sûrs ? »
Louise s’était levée en pleurs et avait commencé à hurler :
« Il est mort ou non ? Est-ce que vous pourriez ne-serait-ce que m’EXPLIQUER ce qui se passe ? »
L’homme posa sa main sur son épaule et la fit doucement se rasseoir avant de prendre la parole :
« La semaine dernière, nous avons demandé à Jimm- à James un service, sur une affaire en cours. Il devait nous fournir un de ses indicateurs pour une mission de reconnaissance. Mais, il a tenu à le faire lui-même. »
Louise secoua la tête, ça n’avait aucun sens. Il lui en aurait parlé. Et en même temps… elle avait été stupide de se dire qu’il lui faisait assez confiance pour ça.
« Nous avons perdu le contact avec lui hier, dans la matinée. L’équipe envoyée sur place n’a retrouvé que sa voiture. Il n’y avait pas de corps mais… »
La jeune femme sentit comme un poignard lui transpercer le cœur. Elle refusait de le croire, mais les faits – et les deux agents – étaient là.
« NON ! Non… non…
- Désolé. »
James Connelly, son premier amour, l’homme qui l’avait aidé à s’accrocher à la vie trois ans plus tôt lorsque tout espoir pour elle de retrouver son père avaient été anéantis par l’annonce de sa mort, l’homme qui l’avait aidé à s’intégrer à Aedenais quand elle était arrivée en ville, l’homme qui avait tout fait pour l’aider alors qu’il ne la connaissait pas. L’homme qu’elle aimait, mort. C’était un fait, pur et simple.
Louise fondit en larmes, elle ne vit pas les deux agents partir en laissant une carte de visite derrière eux, pas plus qu’elle n’entendit le téléphone sonner, affichant les noms de « Luis », puis de « Tasha » sur son écran. Elle resta là, assise, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus la force, ni de pleurer, ni de penser. Elle s’endormit finalement, serrant contre elle l’ourson en peluche qu’il lui avait offert quelques semaines après leur rencontre.
***
Aedenais, 2011Elamros reposa son téléphone sur la table de son salon en voyant une blonde passer la porte. Quand il avait reçu un appel d’une femme lui demandant de l’aide pour intégrer les Répurgateurs, il s’était attendu à tout sauf à ça. Voir une jeune femme – il rectifia, une adolescente - passer la porte de sa maison l’avait surpris. Elle n’avait pas exactement le profil d’un soldat. Il regarda l’heure sur son téléphone avant de se lever.
« Vous êtes en retard.
- Oui… j- je suis désolée… » L’ancien répurgateur sourit :
« Ça m’plaît. »
Lui-même n’ayant jamais été très porté sur la ponctualité pouvait difficilement reprocher ce défaut à la jeune fille. Medea lui rappelait assez souvent qu’il avait oublié de se montrer à leur premier rendez-vous.
« Excuses-moi, mais j’ai pas bien saisi ton nom.
- Elise. »
Elamros haussa les sourcils, pour la seconde fois elle omettait de lui donner son nom de famille. Après quelques instants de réflexion, il décida que ça n’avait aucune sorte d’importance et continua :
« Ok, Elise. Y’a pas grand-chose que j’peux faire pour toi, j’en suis l’premier désolé. » Il se rassit et indiqua une chaise à la jeune fille « T’peux t’assoir s’tu veux. »
Il attendit qu’elle se soit installée avant de reprendre :
« Y’a encore quelques temps, j’aurais pu t’faire une lettre d’recommandation, et t’aurais pas eu d’problèmes pour rentrer chez ces imbéciles. Mais depuis la Guerre… Disons que j’suis plus en très bons termes avec les hautes instances.
- Oui, j’crois avoir compris ça. »
Elamros sourit, elle avait l’air d’avoir de la répartie, ce qui d’après lui, ne pouvait pas être une si mauvaise chose que ça.
« En fait, tu devrais carrément éviter de mentionner que tu m’connais. »
Dire qu’il n’était pas en « bons termes » avec le commandement des Répurgateurs n’était qu’un doux euphémisme. Sa lettre de démission avait consistée en une balle de calibre .50 à travers le crâne des 20 meilleurs éléments des Répurgateurs, envoyés « nettoyer la vermine au karcher » pendant la Guerre Civile. Il avait ensuite envoyé les douilles à son supérieur direct le « Commandant » Jarek Seaton.
Deux mois plus tard, Elamros avait appris la réformation de l’Ordre, pour une raison qui lui était inconnue (bien qu’il en ait eu une vague idée). Les Répurgateurs étaient passés d’un groupe en marge qui s’occupait de ses propres problèmes à une organisation de mercenaires spécialisés dans les créatures paranormales.
« Et donc, est-c’que tu pourrais m’expliquer pourquoi tu veux les r’joindre ? J’veux dire, y’a mieux comme choix d’carrière.
- J’veux faire comme vous. » Elamros fronça les sourcils, où voulait-elle en venir ?
« Continue.
- J’ai vu ce qu’ils faisaient avant qu’vous… enfin, vous voyez. Et, je- j’veux les détruire, vous voyez ? »
L’ex-répurgateur commença à rire. Elle avait du cran, c’était certain.
« Ok. Ok, j’vais t’aider. D’abord… »
Il se releva, fouilla un moment dans un tiroir avant d’en sortir un couteau et un bracelet.
« Prends-les. Ça faisait partie de ma panoplie du gentil petit Répurgateur. J’en ai plus besoin, mais fais-y gaffe. »
Il déposa ses « cadeaux » dans les mains de la blondinette.
« Montre les au recruteur. Dis lui qu’tu m’les as chourrés ou un bobard comme ça. Ça d’vrait t’filer un certain crédit j’suppose. »
Elamros regarda Elise sortir le KA-BAR de son fourreau. Elle l’inspecta un moment avant d’arrêter son regard sur une gravure sur la lame.
« Les initiales dessus ? C’est pour quoi ? Ça fait quatre noms, non ?
- C’t’une longue histoire.
- J’croyais que vous aviez rejoint les Répurgateurs à cause de votre fiancée ?
- Ça fait beaucoup d’questions, gamine. »
Elamros sourit vaguement, c’était à la fois flatteur et inquiétant de voir qu’elle en connaissait autant sur sa vie. Il soupira en la voyant ouvrir à nouveau la bouche :
« Raine, elle s’appelait non ? Vu que les Répurgateurs font graver des trucs comme ça sur leur couteau, j’pensais qu’y’aurais son nom d’ssus, non ? »
Le sourire sur le visage d’Elamros s’effaça en attrapant le Desert Eagle posé sur une commode près de son canapé, il gardait toujours son arme à portée de main, c’était une mauvaise habitude mais il n’arrivait pas à s’en défaire. Il le tendit à Elise qui s’attarda longuement sur la gravure du canon : Raine ; elle retourna l’arme et lut rapidement la gravure de l’autre côté du canon : Annabelle. L’ex-répurgateur vit la bouche de la blonde s’ouvrir et se fermer rapidement, avant de se rouvrir alors qu’elle examinait la crosse de l’arme.
« Les coupures sur la crosse, c’est quoi ? »
- Tu devrais y aller, gamine. J’ai pas vraiment envie de parler de ça maintenant. »
Elise reposa l’arme sur la table et se leva.
« Merci. »
Elamros la regarda sortir. Sa façon de parler, son insolence… d’une certaine manière, il avait eu l’impression de voir un mini-lui.
« Bonne chance gamine, t’en auras b’soin. »
***
Aedenais, 2010Les paroles des médecins résonnaient encore dans sa tête lorsqu’elle passa la grille du cimetière. Elle n’avait pas été censée entendre ce que le médecin qui l’avait remise sur pied – façon de parler, puisqu’elle ne pouvait toujours pas se déplacer sans l’aide de béquilles – avait raconté à l’une de ses collègues, mais Emily avait toujours eu une fâcheuse tendance à laisser traîner ses oreilles là où il ne fallait pas. Les quelques phrases du médecin avait été les suivantes :
« J’ai regardé les analyses de la jeune Chorster, elle se drogue avec quelque chose que je n’avais jamais vu avant. J’ai retrouvé un flacon de cette drogue sur elle, c’était en gros les composants utilisés par les alchimistes pour créer des substituts de corps humains, mais ça fait des siècles que ces méthodes ont complètement disparues. »
Sa collègue avait vaguement acquiescée avant qu’il ne continue ses explications.
« Mais le plus étrange, c’était ce qu’elle rajoutait à cette substance. Une plante, la Daphne. Pour faire simple, elle se shoote au poison. Je pense que les composants alchimiques ne servaient en partie qu’à diluer le poison pour ne pas s’injecter une dose mortelle. »
Elle se shoote au poison, au poison … Emily n’arrivait pas à se sortir cette phrase de la tête. Le médecin avait eu raison, le composant principal de sa drogue maison n’était que du poison. Et quelque chose qu’il n’avait pas pu reconnaître par des analyses purement scientifiques, ce qui lui permettait de réprimer ses émotions, une certaine dose de magie nécromancienne plus que basique léguée par son ancienne tutrice. Le problème majeur était que le seul moyen que la jeune femme avait de sentir les effets de cette « magie » était de passer par l’injection de Daphne directement dans ses veines.
Elle se shoote au poison.Emily se dirigea vers le groupe de personnes déjà rassemblé autour d’une tombe fraîchement creusée, dans laquelle un cercueil venait d’être déposé. Elle reconnut quelques visages, principalement des personnalités de la Basse-Ville, Perry Shepard et sa femme entre autres, mais aussi, et c’était d’autant plus surprenant au vu de ses nouvelles obligations, Jimmy Connely, nouveau leader des Voleurs d’en bas. Et puis, il y avait une personne qu’elle reconnut comme originaire de la Surface, Elamros Terry, dont la présence était également quelque peu déstabilisante.
Ils étaient tous venus rendre un dernier hommage à Jemeak Fletcher. Elle n’écouta que distraitement le prêtre parler, suivi des hommages des différentes personnes présentes, et puis, soudainement, c’était elle qui se retrouvait en face du cercueil, sentant les regards se fixer sur elle, espérant un éloge magnifique de la part de la personne la plus proche du défunt. Mais… elle n’avait rien à dire. Rien qu’elle ne voulait partager. Après quelques minutes d’un silence gênant, elle finit par se décider sur les paroles qu’elle voulait prononcer :
« Les derniers mots qu’il m’ait dits. Il m’a ébouriffé les cheveux, est sorti dans la rue avec ses explosifs et m’a simplement dit : ‘J’reviens vite gamine, t’inquiètes pas pour l’vieux Fletcher.’ »
Elle sentit des larmes commencer à couler le long de ses joues. Je reviens vite. Il avait menti, tout comme Eve lui avait menti quand elle lui avait dit que tout allait bien, que tout irait bien, juste avant de s’ouvrir les veines devant ses yeux.
« Tu n’es jamais revenu. Tu as menti Jemeak et maintenant… »
Elle s’interrompit quelques instants, éclatant en sanglots avant d’hurler :
« JE TE DETESTE ! »
Elle ne le pensait pas, évidemment, mais à ce moment précis, plus que de la tristesse, elle ne ressentait que de la colère. La colère contre l’homme qui l’avait laissée, comme Eve quelques années plus tôt. Tout ça pour quoi ? Une guerre qui n’avait pas eu lieu d’être. Ce sentiment était normal, mais elle ne pouvait s’empêcher de se blâmer pour ce qu’elle ressentait, ce n’était pas logique.
Pendant un moment, elle pensa qu’il aurait été mieux pour elle de ne pas survivre à son overdose. Elle se retourna et se dirigea vers la sortie du cimetière, c’était plus qu’elle ne pouvait en supporter.
***
Aedenais, 2014Louise leva les yeux vers l’homme qui l’accompagnait dans les allées de la fête foraine, accroché à son bras. James Connelly, 20 ans, leader de la Guilde des Voleurs. Après plusieurs mois de « je t’aime, moi non plus », les deux jeunes avaient finis par décider de « tenter le coup ». Ça avait été inespéré pour la jeune femme qui pendant ses premières semaines en ville avait failli se résigner à classer Jimmy dans la catégorie de ses fantasmes, un autre homme qui lui serait inaccessible.
Et pourtant, aujourd’hui, c’était au bras de cet homme-là qu’elle déambulait le long des divers stands. La journée était parfaite, d’une part parce que le temps était superbe, un ciel bleu sans nuage s’accordant parfaitement avec le bleu de la mer toute proche, bercée par une légère brise d’été, mais surtout parce qu’elle avait eu l’occasion d’être là avec lui. Le temps n’importait que peu, finalement. Tant qu’elle partageait ce moment avec Jimmy, il y aurait pu avoir un orage, une tornade, de la neige… Cela n’aurait pas eu la moindre importance.
Il lui avait dit, plus tôt dans la journée, qu’il avait une surprise pour elle. Elle avait pensé, en arrivant près de la zone portuaire que cette surprise était une virée à la fête foraine installée temporairement en ville. Lorsqu’elle lui avait demandé si son cadeau consistait en cette balade, il s’était contenté d’hausser les épaules et de lui répondre au creux de l’oreille : « Pas tout à fait. »
Louise avait toujours été fascinée par ce genre d’événements, sans jamais n’avoir eu l’occasion de prendre part aux festivités. Une autre interdiction parmi les nombreuses autres que ses grands parents lui avaient imposée. Si le cadeau de son petit ami n’avait été que de l’emmener à la fête foraine, elle s’en serait contentée, mais puisqu’il semblait lui réserver autre chose, elle ne pouvait pas empêcher son cœur de battre de plus en plus rapidement à mesure qu’ils avançaient le long des allées. Le téléphone portable de Jimmy se mit finalement à sonner, et une expression de déception passa brièvement sur son visage. Elle pensa un instant qu’une personne de la Guilde avait besoin de son amant et qu’ils ne pourraient pas passer le reste de l’après-midi ensemble. Ces pensées quittèrent rapidement son esprit lorsqu’elle entendit le jeune homme parler :
« T’es arrivée ?... Ok, on vient t’chercher… Non, j’lui ai pas encore dit… Oui, moi aussi. A tout de suite. »
Elle vit le visage de Jimmy s’éclairer d’un grand sourire en se retournant vers elle. Elle ne comprenait plus ce qui se passait.
« On va faire un petit détour par le port lui-même, si ça ne te dérange pas. Un truc pour le boulot. »
Quelque chose clochait, et Louise le sentit immédiatement. Jimmy n’aurait pas souri en parlant de son travail, surtout si sa tâche devait les détourner de leur après-midi en amoureux. Elle se contenta de hausser les épaules. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire de toute manière.
C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent devant un bateau de croisière, à regarder un flot continu de passagers se ruer vers la terre ferme. Louise retourna la tête avec un regard confus vers le jeune homme qui venait de prononcer ses premiers mots depuis qu’il lui avait dit qu’ils devaient passer au port :
« J’pensais pas qu’y’aurait autant d’monde. ‘Chier, ça va être galère…
- De quoi ?
- T’verras. »
Et soudain, elle vit une silhouette familière se distinguer au milieu de la foule. Elle ne pouvait pas se tromper. Elle aurait reconnu ces cheveux noirs, ce visage, ce style vestimentaire décalé qui faisait croire que Natasha Cassidy, sa meilleur amie, était plus une gamine des rues qu’une adolescente normale. A bien y réfléchir, elle faisait plus gamine des rues que Jimmy pourtant réellement élevé à l’école de la rue. Un large sourire éclaira son visage alors qu’elle demandait à son petit ami si c’était vraiment son amie qui venait de descendre du paquebot. Il se contenta d’hausser les épaules et de lui répondre : « Tu la connais mieux qu’moi, mais j’crois bien que c’est elle, ouais. »
« T’ES LE MEILLEUR ! »
Elle l’embrassa rapidement avant de se ruer vers sa meilleure amie.
« ‘TASHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA ! »
Les deux jeunes femmes se serrèrent dans les bras l’une de l’autre pendant plusieurs minutes. Cela faisait plus d’un an qu’elles ne s’étaient pas vues. La surprise était de taille, et Louise en resta sans voix pendant un long moment.
« Tu m’as manquée, ‘Tasha.
- Tu m’as manquée aussi, Louise. C’est bon d’te revoir.
- T’as pas idée. »
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James reposa la carabine à plomb. Ça avait été son second échec pour essayer de gagner un ours en peluche pour Louise. Il n’avait jamais été réellement doué avec les armes à feu, et son incapacité à se servir correctement de son bras droit n’arrangeait pas les choses. Les rires de Natasha et Louise non plus.
« Ok. J’abandonne. »
Louise se rapprocha et l’embrassa sur la joue, et devant l’air embarrassé du jeune homme, s’empressa de rajouter :
« C’est pas grave, va. Tu t’rattraperas plus tard. »
Il vit Natasha se rapprocher soudainement du stand et se planter devant le couple en posant sa main sur l’arme factice.
« Jim. Si tu payes, j’le choppe l’ours. Sans problèmes. J’suis super douée avec une arme dans les mains. Et pas qu’avec les armes… »
Elle eut un vague sourire en coin, qui déstabilisa un moment le voleur. Etait-elle en train d’essayer de flirter avec lui ? Il chassa rapidement cette pensée de son esprit en voyant le visage de Louise s’éclaira pendant que son amie parlait à James. Il haussa les épaules et tendit un nouveau billet au forain, qui semblait avoir pris un malin plaisir à le voir se planter. Il faudrait d’ailleurs qu’il revienne lui expliquer, plus tard, que si ils avaient pu s’installer en ville, c’était parce que c’était lui, Le Prince, qui l’avait décidé. Mais pour l’instant, il se contenterait d’espérer que les éloges que Natasha se faisait à elle-même étaient justifiées.
Il la vit caler la carabine contre son épaule, respirer un grand coup et appuyer lentement sur la gâchette. Quelques secondes plus tard, le forain, dépité, tendait un ours en peluche à la jeune fille. Peluche qui ne mit pas longtemps à passer des mains de Natasha à celles de Louise, qui leva l’animal devant ses yeux avec un sourire béat, avant de serrer son amie dans ses bras, puis d’embrasser Jimmy.
« Merci ! »
Jimmy attrapa la main de sa petite amie et se tourna vers Natasha.
« Ok, les filles. Vous voulez aller où, maintenant ? »
Natasha haussa les épaules :
« Y’a pas un bar d’ouvert ?
- T’as dix-sept ans. T’es pas encore censée traîner dans les bars, tu sais.
- Comme si j’en avais quelque chose à faire. »
Le voleur sourit, il commençait vraiment à l’apprécier.
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La suite... bientôt !