YOWEE !!
A l'heure où Elamros-chéri se lance dans les visions proleptiques, m'est venue l'idée que les début qu'on a faits avec Mariel sur le forum annexe pouvaient très bien être développés ici. Pour être franche, je sais pas du tout si ce qui sera posté ici sera homogène et c'est même très peu probable, notre moderatus mechantus étant plus apte que moi à ordonner ses textes en chroniques et ce depuis la nuit des temps.
Raison pour laquelle je ne commence pas avec un texte en lien direct avec notre histoire, mais que j'avais envie de publier quelque part. Et voilà !
A noter qu'il y a déjà quelques débilités ici :
ma section de "spin-offs" sur le forum annexe. Sauf que là-bas y fait froid.
Ouverture sommaire mais y en a-t-il de bonnes ?
Bonne lecture à celui ou celle qui se penchera à l'avenir sur ce qui viendra peupler ce sujet. ^^
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Jeremiah, 17;9
The heart is deceitful above all things, and desperately wicked.Au début, j'étais dans une forêt.
Le bois des arbres était sombre, comme calciné. Le sol, de couleur indéfinie, était peut-être fait de terre, peut-être fait de cendre. Autour de moi, des troncs un peu difformes, des branches éparses, mais surtout la brume qui rendait tout vaporeux et froid, dans des tons entre le gris et le bleu. Et la solitude.
L'absence de son, aussi. Comme lorsqu'on marche dans un champ blanc quand tombe la neige, que nos cris sont étouffés par l'atmosphère cotonneuse. On est perdu, ou ça ne va pas tarder, et on ne le sait pas encore. On marche devant soi pour essayer de retrouver quelqu'un ou quelque chose, un signe noir dans l'immensité immaculée, quelque chose qui nous rappelle qu'on vit encore et que cette errance-là n'est pas sans but. Pourtant tout porte à croire que l'humanité est derrière soi, et qu'on avance vers le néant.
Dans cette forêt où il n'y avait que moi, je ressentais quelque chose. Quelque chose de mal défini, de menaçant comme tout ce qui reste obscur, et qui me regardait. J'aurais voulu avoir le courage de croire en mon vœu le plus cher, mais je n'y arrivais pas. Mon esprit restait bloqué avant que mes pensées n'y parviennent. Cette présence omniprésente ne bougeait pas d'un pouce.
J'ai appelé plusieurs fois dans le vide pour qu'elle se manifeste clairement, ou que quelqu'un vienne me sortir de là. J'étais si perdue que je n'osais même pas bouger, sinon pour regarder autour de moi, l'espoir le disputait à la peur. En hauteur, les branches disparaissaient dans le brouillard, comme si le ciel n'existait pas. C'est à partir de ce moment que mon souffle s'accéléra, comme si j'en manquais. La peur commençait doucement, perversement, à me tordre le ventre. Je me suis mise à marcher.
Évidemment je ne savais absolument pas où j'allais. Dans ma panique, j'ai oublié pendant un temps de bien regarder la forme des arbres pour tenter de me repérer. Quand j'ai réalisé mon erreur, je me suis retournée, mais trop vite : quelque chose a bougé sur le côté, un peu plus loin. J'ai aussitôt regardé dans cette direction mais bien sûr, j'avais beau scruter le moindre centimètre carré devant moi, il n'y avait rien. Cette absence m'a glacé le sang au point que j'en frissonne et que tous mes muscles se tendent.
Et puis, je ne sais pas pourquoi - c'est là tout le mystère des rêves -, en me retournant encore vers ma destination initiale je me suis retrouvée dans une pièce que je ne connaissais pas vraiment, mais que je me souvenais avoir déjà parcourue. Il y avait un salon avec une télé et son matériel, et dans un coin, un panier avec un chien endormi. L'intérieur était plus chaleureux que la forêt, où je n'étais d'ailleurs jamais allée et d'où je ne venais certainement pas selon ma mémoire; rien que la trace d'une vie que constituait ce chien me donnait une impression de confort et d'aise, la couleur du mobilier aussi. Cette maison n'était pas la mienne mais j'étais heureuse d'y être, je me savais la bienvenue bien que j'aie un peu peur de déranger en faisant ce qu'il ne fallait pas, comme toujours.
Il y avait un ordinateur portable sur le canapé. Il était ouvert sur une page internet que je n'eus pas le temps de détailler, parce qu'un bruit de porte de frigo a attiré mon attention. Je suis alors allée en direction de la cuisine, dans l'espoir de me rendre utile.
Mais dans la cuisine il n'y avait personne. J'ai regardé un peu partout, avec curiosité, j'ai essayé de voir sans rien toucher où étaient les verres, les couverts et le reste, histoire de prendre mes marques pour être un poids le moins possible. Je n'aime pas trop être une invitée, j'ai toujours un peu l'impression que les gens se sentent obligés de faire les choses à ma place parce que je ne connais rien de leur logis, et après tout c'est normal : les invités sont là pour se faire servir en général. Mais je n'aime pas ça, et je me sens toujours mal quand je reste les bras croisés en attendant que ça vienne.
Je me dis que quitte à savoir où sont les choses dans cette maison, autant aller voir un peu dans les couloirs et les autres pièces. Je passe en revue ce qui se cache derrière les portes qui ne sont pas fermées, et j'arrive finalement à l'escalier qui monte à l'étage sans avoir croisé personne. Peut-être qu'il y aura quelqu'un en haut ?
Je gravis les marches et j'arrive sur le pallier où d'autres portes m'accueillent. Encore une fois le rêve m'impose un changement et dehors c'est le soir, je le vois à la pénombre et aux dernières flammes solaires qui s'étirent à l'horizon, dont les couleurs me parviennent par une fenêtre située dans une pièce un peu plus loin où la porte n'est pas fermée. Je sens une présence à cet endroit, le bout de mes doigts fourmille comme si j'avais été découverte tout pendant que je fouinais.
Je m'avance vers la lumière et j'arrive au seuil de cette porte. Prudente, je n'entre pas avant de jeter un œil, je ne veux gêner personne.
La pièce est une chambre aux dimensions qui ne concordent pas avec sa position dans la maison, mais ça n'a pas l'air de m'étonner. Ce que je remarque surtout, c'est un ordinateur sur un bureau, il est allumé mais je ne prête pas attention à ce qu'il affiche, un petit plateau posé sur sa gauche avec un verre de coca plein, un lit contre le mur juste à côté, une fille assise dessus en train de siroter un autre verre de coca.
Je sens comme un serrement dans ma poitrine, je suis déçue. Ce n'est pas elle que je m'attendais à voir. En fait, j'ai l'impression qu'elle n'aurait pas dû être là.
Elle lève les yeux vers moi et me sourit. Sans rien montrer de mon état, je lui souris aussi en lui demandant :
« Il est pas là R. ? »
Sur un ton très aimable et plutôt gai elle me répond :
« Non il est sorti, mais il revient dans pas longtemps. »
Je ne laisse toujours rien transparaître, mais quelque chose vient de se briser en moi. Je regarde cette fille, si jolie, si paisible, assise sur ce lit que je sais n'être pas le sien, et je me sens envahie d'une tristesse sans nom à laquelle je refuse catégoriquement de penser dans l'instant : il est hors de question que je perde la face devant elle.
Mais après tout qui suis-je ?
Je ne la connais certes pas mais elle est là, dans cette chambre, avec ce verre et cet air heureux que je déteste. Je la déteste, elle. Elle ne m'a rien fait et je ne peux rien lui dire, parce qu'elle semble à sa place là où je ne le suis pas. Je n'ai même pas mis un pied dans la chambre que je sais déjà que je vais repartir de cette maison.
« Tu veux l'attendre là ? » Me demande-t-elle gentiment.
Je la regarde et avec un sourire plein d'entrain je décline l'invitation :
« Nan, c'est pas grave, j'repasserai. »
Elle rit un peu comme je lui ai souri en me disant « A tout à l'heure », et je lui rends son salut avant de descendre les escaliers pour rejoindre le salon.
Le chien n'est plus là. L'atmosphère douillette où je me sentais presque à ma place a disparu au profit d'un immense vide. Tout est gris, tout est terne. Tout me dit que je ne devrais pas être là, et que je ne reviendrai probablement pas de sitôt, parce que si cette fille est présente, c'est qu'on n'a pas besoin de moi ici. Le soir ne luit plus vraiment, ses couleurs sont devenues un pâle dégradé de blanc et de bleu nuit sans expression.
Lorsque je sors de la maison j'ai la tête basse, je me dis que si je vais tout droit je finirai bien par sortir de cette forêt lugubre où rien ne veut de moi. Le rêve a emporté la maison et seul reste un nom qui sonne comme un châtiment. Je suis de nouveau seule. Je suis de nouveau perdue. Je suis de nouveau prisonnière des arbres brûlés et du sol de cendres.
Alors que la brume s'immisce en moi et me dévore finalement, la morsure du mal qui me ronge grimpe dans ma gorge où se forme une boule. Et cette même brume prend mes yeux pour les noyer dans le regret, rongeant mes entrailles comme mille fourmis, brisant mon cœur comme un miroir triste. Souris, le monde entier sourira avec toi...
Pleure. Tu seras la seule à pleurer.
The heart is deceitful above all things, and desperately wicked.